Tour de France des expériences d\'éducation autrement

La pédagogie institutionnelle et les techniques Freinet à l'API

Il s'agit du premier temps et lieu de parole de la semaine. A l'accueil du lundi matin, l'enfant peut, s'il le désire, raconter quelque chose au groupe (ce qu'il a fait, une nouvelle qu'il a entendue, etc.). Le quoi de neuf crée un lien avec l'extérieur. Il a aussi "une fonction de libération et d'entraînement à la parole".

Le conseil
"La clef de voûte des institutions" (F. Oury)

Deux fois par semaine, toute l'école (adultes et enfants) se réunit.
C'est le conseil, lieu de décision pour l'organisation et la régulation de la vie du groupe.
On parle de ce qui se passe, de ce qui va ou ne va pas, de ce qui doit changer, puis on décide. Durant les débats, l'écoute et le respect de la parole de l'autre sont requis.
Le président de séance en est le garant.

A partir de l'ordre du jour - demandes, propositions, informations, critiques et félicitations - chacun a la possibilité de s'exprimer et participe ainsi à l'organisation de l'école, au rappel et à l'élaboration des règles de vie.

Les règles sont expliquées, discutées puis votées, modifiées ou même annulées si elles n'ont plus de raison d'être.

Le conseil c'est aussi le lieu où se dénouent les tensions. A tout moment de la semaine, on peut écrire dans le carnet de conseil, seul ou avec aide, ce qui nous tient à cœur et dont on voudrait parler lors de la prochaine séance. L'enfant apprend à mettre un mot dans le carnet plutôt que répondre par un coup ou une insulte.
Il renvoie ainsi le problème au conseil. Il peut attendre car il sait que la difficulté rencontrée sera traitée. Il est momentanément soulagé, ce qui lui permet de poursuivre ses activités.

C'est par la parole que vont se résoudre les problèmes, alors qu'on a pris une certaine distance par rapport à ce qui s'est passé. L'agressivité peut ainsi s'exprimer sur le mode symbolique.
L'enfant apprend progressivement à se contrôler. Le conseil joue un rôle structurant et sécurisant.
L'enfant sait qu'il ne sera pas anéanti par les autres. Il est protégé par la loi.

Le conseil va déterminer des lois qui existeront pour tous, y compris pour l'adulte. La transgression de ces lois expose l'individu à une sanction, à une réparation, même symbolique.
Au conseil l'enfant sait que la parole est possible, qu'elle sera entendue et reprise par le groupe. Il va ainsi prendre conscience de ses actes et apprendra à faire face à ses responsabilités.

Dans la classe, chacun, selon ses capacités, son comportement, peut avoir un métier, une tâche qu'il exerce quotidiennement et qui est nécessaire au bon fonctionnement du lieu. L'organisation de l'école fait également appel à la participation réelle de tous. L'organisation de l'école fait également appel. Six équipes sont constituées sous la responsabilité d'un adulte. :

L'enfant accorde une grande importance au métier qu'il a choisi.
Il lui permet de s'investir, d'être valorisé et lui offre une occasion supplémentaire de s'inscrire dans l'école.
Son intégration dans le groupe se fera plus facilement du fait qu'il s'y sent utile.
"C'est par sa fonction qu'il se fait reconnaître par les autres."

"On ne peut pas faire n'importe quoi, n'importe quand, par exemple autour de la table d'imprimerie.
Le métier délimite une aire,
espace social dans lequel on ne peut rentrer sans respecter certaines lois, et où le responsable exerce liberté, responsabilité et pouvoir, utilisant son statut particulier, respecté par tous.
Cette aire est rarement découpée de façon visible.
Il s'agit, le plus souvent, d'un espace vécu qui s'apparente plutôt à un champ magnétique : invisible sans limaille, mais dans lequel s'exercent des forces obéissant à des lois précises."

René Laffitte,
Une journée dans une classe coopérative

Le fait que tous ces travaux soient "vrais", c'est-à-dire qu'ils répondent à un besoin réel et qu'ils soient partagés avec l'adulte, constitue un moment de vie important pour tous.

Il s'agit très souvent du premier domaine dans lequel l'enfant va se trouver en situation de réussite. C'est aussi celui qui reste préservé lorsque l'élève traverse une période difficile.

La monnaie intérieure
Le travail payé... Quelle drôle d'idée !

En Pédagogie Institutionnelle, le travail, les productions de l'enfant sont pour la plupart rémunérées. Il ne s'agit pas d'argent-cadeau, de quelconques bons ou mauvais points...
Ici, on ne récompense pas l'enfant. On le paie.

"Comme dans la vie réelle, on gagne des sous en travaillant, en produisant, en vendant.
On en dépense au marché hebdomadaire ou ailleurs.
On échange, on commerce, on vole ou on se fait voler, on dépense sans compter et on apprend à compter.
On peut aussi commettre des infractions et se ruiner en contraventions."

A l'école de l'API, la monnaie intérieure est le "lare" et se décompose en sous-multiples : "les centilares". Le paiement du travail scolaire tient compte du niveau de chacun. Par exemple, la dictée et sa correction sont payées 40 centilares.

Mais, une ceinture orange en orthographe écrira trois lignes, une ceinture verte six, etc.

Cette monnaie reconnaît donc la valeur du travail et à travers elle, la valeur de la personne.
Bien souvent elle motive les plus frileux, les laissés-pour-compte, tous ceux qui ont trop souffert de l'échec scolaire.

La monnaie n'aurait aucun sens si on n'avait pas la possibilité de dépenser à sa guise.
Il y a donc un marché, une fois par semaine où l'enfant pourra vendre ou acheter.
Mais il va également payer.
Les infractions aux règles élaborées en commun sont sanctionnées par une amende.
Par exemple, déranger la classe coûte 50 centilares pour un enfant ceinture orange en comportement.

"Les amendes ou contraventions remplacent les punitions, les discussions infinies, les discours moralisateurs. [.] Le maître (et ce qu'il représente) n'est plus là en permanence, à s'émouvoir et à juger. Le simple fait d'avoir remplacé les chantages affectifs, suffirait, si besoin était, à justifier pour moi la monnaie intérieure."

La classe occupe toutes les matinées, l'après-midi étant consacré aux autres activités : conseil, sports, ateliers, etc.
En complément de la scolarité, l'école propose des activités manuelles, culturelles, artistiques et sportives, à travers lesquelles chacun peut trouver le mode d'expression qui lui convient, un terrain favorable et générateur de progrès.
Tous les domaines sont valorisés.

La répartition

Chaque début d'après-midi, toute l'école se réunit pour la répartition. C'est le moment où l'on relit les décisions du conseil, où l'on donne l'emploi du temps de la journée, chaque jour ayant sa spécificité. Puis vient la répartition des ateliers. L'enfant s'inscrit dans une équipe pour l'atelier qu'il a choisi.

Selon les jours : musique, cuisine, arts plastiques, imprimerie, théâtre, photo/vidéo... Se forment alors de nouvelles équipes (différentes de celles des métiers, des sports, des classes...).

A titre d'exemple, les ateliers d'un jeudi...
A l'imprimerie, l'équipe est en effervescence : le nouveau numéro du journal "La Pie Normande" doit sortir prochainement. Les derniers textes et illustrations doivent être rapidement achevés.
En musique, tout l'atelier est mobilisé car on répète une dernière fois avant de jouer ce soir pour la fête.
A la cuisine, il s'agit de préparer le repas pour le dîner, sans oublier
le gâteau d'anniversaire.
A l'atelier photo, on travaille à une nouvelle exposition...

Du fait de la multiplicité des activités, la semaine est rythmée selon un emploi du temps précis dans lequel l'enfant apprend à se repérer.

C'est une véritable séance de cinéma suivie par toute l'école. Celle-ci peut déboucher (selon le film ou le cycle étudié) sur un travail en classe. Chaque semaine, une affiche originale est réalisée permettant à tous de connaître le programme.

C'est la dernière soirée de la semaine, l'occasion de fêter les anniversaires, les événements importants, de voir les spectacles préparés en ateliers, de faire un grand jeu ensemble, de visionner quelques morceaux choisis de l'histoire de l'école, etc.