Tour de France des expériences d\'éducation autrement

Tour de France des expériences d\'éducation autrement

Et actuellement, mes projets

        De l'observation, de la réflexion, des rencontres, des discussions …, d'accord, mais en termes d'action ? De projet professionnel ?

Tout d'abord, je me suis destiné au professorat des écoles et je me posais la question de travailler dans le public « qui n'évoluera jamais » ou dans le privé « qui ne touche qu'un public sélectionné ». De temps en temps, je peux me reposer la question, mais mes visites m'ont plutôt amenée à croire que l'on peut changer l'école publique, en me montrant des possibles. De plus, je reste attachée à l'idée d'une école unique, la même pour tous en prenant en compte la spécificité de chaque enfant.

Depuis, je me suis interrogée concernant ce métier d'enseignant qui nécessite d'être là tous les jours de classe et d'être VRAIMENT là, pas seulement physiquement. J'ai eu peur d'une certaine routine, mais qui est certainement le lot de beaucoup de métiers. Je me suis demandé à quel point, moi qui avais arrêté d'aimer l'école en CE1, je pourrais prendre plaisir à amener les enfants à apprendre certaines notions. Ne serait-je pas plutôt faite pour l'animation, l'éducation populaire ? De plus, ma position d'observatrice en retrait, là pour très peu de temps, dans la classe d'un ou d'une « autre », a fait que mon lien aux enfants a été compliqué. Celle qui laisse passer les bêtises (tant qu'elles ne mettent personne en danger) même si elle en voit beaucoup : je voulais voir les classes gérées par l'enseignant « comme d'habitude », sans auxiliaire, et ceci a remis en cause mon autorité ; celle qui n'aide pas les enfants en classe : pour la raison ci-dessus ou parce qu'elle n'a pas co-créé la séance de classe et ne sait pas ce qu'elle a le « droit » de faire ou de dire pour aider ; celle qui est là en égoïste : gagner beaucoup de ses observations mais ne pas apporter grand-chose aux enfants… Enfin, je commençais à me redemander si je ne pourrais pas tout de même être enseignante puisque tout le monde me dit que la seule façon de savoir, c'est d'essayer. Et à l'école Decroly, j'ai eu l'occasion d'être face à la classe pour un échange sur les différences entre les écoles et là : rougissement, vocabulaire non maîtrisé, dynamique de groupe non réalimentée, voix qui s'étrangle … ; la classe était super et la discussion s'est très bien passée, mais je n'étais pas à l'aise du tout … Enseignante ?

A un moment, suite à des lectures et des discussions qui m'ont fait comprendre que l'innovation dans le monde de l'éducation n'aura lieu que si tous les acteurs éducatifs d'un territoire se prennent ensemble la question d'un projet éducatif local concerté. Je souhaitais prendre un an pour faire un volontariat au MRJC, association d'éducation populaire qui m'a construite et continue à me construire, et qui s'essaye à impulser des Projets Educatifs de Territoire. Un stage recherche sur la notion de coopération et deux stages dans des écoles où il y a des projets éducatifs et pédagogiques forts qui devraient permettre à tous de travailler ensemble dans le même sens, et où les réunions pédagogiques sont finalement très loin d'être des havres de paix, symboles de démocratie, de cohérence, de cohésion …, tout ceci m'amène à penser que la coopération, même si elle est un enjeu de taille, n'est vraiment pas simple. De plus, dans les écoles publiques innovantes qui demandent à leurs enseignants un engagement d'au moins deux heures par semaines de « bénévolat » pour des réunions, beaucoup de professeurs retirent leurs candidatures face à cet investissement qu'ils ne peuvent ou ne veulent pas se permettre. Il est impossible d'amener les personnes à coopérer si elles ne le souhaitent pas. Alors, cette entreprise me semble complexe. Et quelle serait ma légitimité ? Certes, tout citoyen peut vouloir transformer la société, mais concrètement ? Animatrice d'un projet éducatif de territoire concerté ?

J'ai eu l'occasion de parler de mon « tour de France », compagnonnage éducatif, visites d'expériences innovantes … à beaucoup de personnes qui ont trouvé ça « formidable ». Parmi elles, nombre d'enseignants en postes qui regrettaient de n'avoir pas pris ce temps de la découverte de tout ce qui existe et qui n'ont plus l'énergie, ni les moyens pour se dégager du temps pour le faire aujourd'hui. M'est alors venue l'idée d'animer un réseau, à l'image du réseau REPAS (réseau d'échanges et de pratiques alternatives et solidaires), pour permettre à d'autres de se former dans un cadre plus stable et sécurisant que le mien au choix sur les pédagogies alternatives, l'innovation dans l'école publique, les TICE (technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement), l'école rurale, les classes de cycle… et en ayant, ce qui me manque actuellement, des temps de reprise à plusieurs de ces visites. Rien que de faire savoir qu'il existe différentes pédagogies , différents types de fonctionnement, différentes valeurs éducatives …, en soit, ce serait déjà un progrès. Cependant, combien de personnes sont prêtes à « sacrifier » une année, trois mois, voire seulement une semaine (et combien en ont les moyens financiers ou autre) pour se former ? Animatrice d'un réseau de formation par la visite d'expériences, les échanges et autres moyens d'éducation populaire ?

Dernièrement, suite à de nouvelles lectures et réflexions, je me suis dit que le simple fait de reconnaître l'innovation déjà existante et permettre aux innovateurs de se sentir soutenus et accompagnés serait très important, mais pour cela il y a déjà le site et le réseau du Café Pédagogique, le forum des enseignants innovants avec prix de l'innovation, un observatoire national de l'innovation dans l'éducation … Et plus localement ? Qu'en pensent l'Académie de Limoges ou le Conseil Régional du Limousin ? Salariée d'une institution, en charge de la valorisation des innovations et de l'accompagnement des innovateurs ?

Enfin, lorsque j'essaye de faire du lien entre mes envies et mes savoirs, savoirs-faire, savoirs-être ; je me rend compte qu'un projet comme l'animation d'un réseau d'échanges réciproques de savoirs (RERS) entre enseignants comme il en a déjà existé un sous l'impulsion d'une inspectrice pour des échanges sur les pratiques, de la formation réciproque, de la mutualisation de moyens, d'outils, d'idées … serait une richesse pour chaque professeur qui innove, qui n'ose pas innover, qui ressent l'envie d'une formation qui réponde à ses besoins réels … , serait un projet qui me conviendrait certainement assez. Mais je me heurte à nouveau aux difficultés de la coopération et de l'investissement hors temps salarié. Et pourquoi pas aussi, l'organisation de stages- recherches sur l'innovation dans l'éducation avec des acteurs éducatifs du Limousin (écoles publiques et privées, associations, élus, parents, élèves…), avec des témoignages d'enseignants rencontrés tout au long de mon tour des écoles différentes, avec le recul d'universitaires que j'ai pu avoir comme enseignants en sciences de l'éducation … Mais dans quel cadre ? Créer une association ? Sur quel territoire ? Comment savoir si ce projet répond réellement à un besoin ? Comment faire prendre conscience aux personnes concernées que l'éducation aujourd'hui n'est vraiment pas idéale et qu'un projet de ce type pourrait contribuer à la faire évoluer ? Animatrice d'un réseau d'échanges réciproques de savoirs et savoirs-faire entre enseignants et organisatrice de formations participatives ?

Je ne sais plus, je ne sais pas …



28/01/2010
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